La création de l'État d'Israël : histoire, débats et enjeux humains. Un peu d'humanisme...

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Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 06 juin 2025 - 10:23
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Une FranceSoir 19.05.1948 Joseph Kessel Israël
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La création de l'État d'Israël : histoire, débats et enjeux humains
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La création de l'État d'Israël en 1948 est un événement majeur du 20e siècle, né d’une histoire complexe. Cette histoire mêle des persécutions envers un minorité, des aspirations nationales, des rivalités géopolitiques, et des conséquences pour les populations locales, notamment palestiniennes. Ce sujet, chargé d’émotions et de controverses, exige une approche rigoureuse, basée sur des faits documentés. Cet édito explore les origines du sionisme, les étapes clés de la fondation d’Israël, le conflit israélo-palestinien, les défis liés aux droits humains, et la nécessité de combattre les extrémismes de tous bords, dans l’espoir d’éclairer et de promouvoir un dialogue constructif.

Le sionisme et ses origines

Le sionisme émerge à la fin du 19e siècle, dans un contexte d’antisémitisme virulent en Europe. Les pogroms en Russie tsariste (1881-1884) qui tuent des milliers de Juifs, et l’affaire Dreyfus en France (1894), où un officier juif est injustement condamné, révèlent l’insécurité des communautés juives. Theodor Herzl, journaliste austro-hongrois, fonde le mouvement sioniste moderne lors du premier Congrès sioniste de Bâle, en 1897. Son ouvrage Der Judenstaat (1896) appelle à la création d’un État juif, vu comme un refuge face aux persécutions. Si la Palestine, liée à l’histoire biblique juive, est privilégiée, d’autres options, comme l’Ouganda, sont brièvement envisagées.

déclaration de Balfour
Déclaration de Balfour - 2 novembre 1917

La Déclaration Balfour, signée le 2 novembre 1917 par le ministre britannique des Affaires étrangères Arthur Balfour, marque un tournant. Adressée à Lord Lionel Walter Rothschild, figure influente de la communauté juive britannique, elle promet un « foyer national pour le peuple juif » en Palestine, alors sous contrôle ottoman. Après la Première Guerre mondiale, la chute de l’Empire ottoman place la Palestine sous mandat britannique (1920-1948), via la Société des Nations. Cette promesse, cependant, a posé les bases d’un conflit durable, car elle entre directement en tension avec les engagements britanniques envers les Arabes (correspondance Hussein-McMahon, 1915-1916), qui espéraient l’indépendance dans la région.

L'accord Haavara : un contexte controversé

En 1933, l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en Allemagne intensifie la persécution des Juifs : lois de Nuremberg (1935), boycott des commerces juifs, et violences croissantes. Dans ce climat, l’Agence juive, organe exécutif du mouvement sioniste, signe l’accord Haavara avec le régime nazi. Cet accord permet à environ 60 000 Juifs allemands d’émigrer en Palestine entre 1933 et 1939, en transférant une partie de leurs avoirs, convertis en biens allemands exportés (machines, matériaux). Environ 20 millions de marks sont ainsi transférés, selon l’historien Francis R. Nicosia (The Third Reich and the Palestine Question, 1985).

Accord d'Haavara
Accord d'Haavara

L’accord est pourtant très controversé : pour ses partisans, il sauve des vies en offrant une issue face à l’oppression ; pour ses détracteurs, comme certains Juifs et historiens, il donne l’apparence d’une collaboration avec un régime antisémite profitant à l’économie nazie. L’historien Tom Segev (The Seventh Million, 1991) souligne que ce choix pragmatique reflète le désespoir des Juifs, coincés entre l’exil et la répression. Selon lui, il ne s’agit pas d’un « pacte sinistre », mais d’une tentative désespérée dans un contexte où peu de pays acceptaient les réfugiés juifs (ex. : conférence d’Évian, 1938).

 

La création d’Israël et ses enjeux

La Shoah (1939-1945), génocide de six millions de Juifs par les nazis, amplifie l’urgence d’un refuge. Les survivants, souvent apatrides, affluent vers la Palestine malgré les restrictions britanniques (Livre blanc de 1939, limitant l’immigration juive). Face à la pression, le Royaume-Uni cède la question à l’ONU. Le 29 novembre 1947, la Résolution 181 propose un plan de partage : deux États, l’un juif (56 % du territoire), l’autre arabe (43 %), avec Jérusalem sous contrôle international. La population juive, environ 600 000, accepte ; les Arabes palestiniens, environ 1,2 million, et les États arabes voisins le rejettent, craignant une perte de terres et de souveraineté.

Le 14 mai 1948, David Ben-Gurion proclame l’indépendance d’Israël. Les États-Unis et l’URSS reconnaissent rapidement l’État, mais l’Égypte, la Jordanie, la Syrie, le Liban et l’Irak déclarent la guerre. Cette première guerre israélo-arabe (1948-1949) se solde par une victoire israélienne, qui étend son territoire à 78 % de la Palestine mandataire, la Jordanie contrôlant la Cisjordanie et l’Égypte, la bande de Gaza.F

La Une du 19 mai 1948
La Une du 19 mai 1948

 

 

La Palestine et les droits humains

La guerre de 1948 a un impact dévastateur sur les Palestiniens, connu comme la « Nakba » (catastrophe). Selon l’ONU, environ 700 000 Palestiniens fuient ou sont expulsés, devenant réfugiés au Liban, en Jordanie, en Syrie, ou dans les territoires restants. Des villages sont détruits, et les causes — expulsions par les forces juives, panique face aux combats, appels de leaders arabes — restent débattues (Benny Morris, The Birth of the Palestinian Refugee Problem, 1988). Aujourd’hui, les réfugiés et leurs descendants, estimés à plus de 5 millions, revendiquent un « droit au retour » contesté par Israël.

La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) proclame des principes fondamentaux : droit à la vie (article 3), à la liberté, à la sécurité, et à une nationalité (article 15) implicite dans l’autodétermination. Pourtant, son application dans ce conflit est inégale. Israël invoque son droit à la sécurité face aux attaques, tandis que les Palestiniens réclament justice pour l’occupation des territoires (Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est) depuis 1967, jugée illégale par l’ONU (Résolution 242). Les blocus, les checkpoints et les disparités (accès à l’eau, à la terre) entravent les droits palestiniens, mais les attentats contre des civils israéliens violent aussi les principes universels. Cette application unilatérale des droits humains, freinée par des déséquilibres de pouvoir, des veto politiques (ex. : aux Nations unies), et des priorités divergentes, demeure un obstacle majeur à la paix. 

Cela restera comme le véritable séisme que l’ONU aurait probablement pu éviter, et permettre un plus grand respect des droits fondamentaux. Cela montre bien que se résoudre à la guerre pour régler un problème fondamental, laissera toujours des stigmates dont on paie le prix des années plus tard.

Le président américain Bill Clinton entre le Premier ministre palestinien Yitzak Rabin (G) le chef de l'autorité palestinienne, Yasser Arafat à la Maison blanche à Washington le 13 septembre 1993 lors

 

Rôle des puissances et mythes autour des finances

La création d’Israël s’inscrit dans un jeu géopolitique. Le soutien britannique (Déclaration Balfour) et américain (reconnaissance de 1948) reflète des intérêts stratégiques : contrôle du Moyen-Orient, contrepoids aux puissances arabes et soviétiques. Lord Lionel Walter Rothschild, banquier et sioniste, joue un rôle en relayant la cause sioniste auprès des Britanniques. Toutefois son influence réelle est parfois amplifiée dans les récits, et alimente ainsi des théories probables, mais dont les contours reposent sur des bases fragiles. Personne n’est dans le véritable secret des puissants, et il est bien connu que le secret alimente les fantasmes, les mythes et les légendes

Les familles bancaires, comme les Rothschild, sont au cœur de débats où se mêlent mythes et réalité. Historiquement, les Rothschild, une famille juive, ont bâti une fortune au 19e siècle via la banque, finançant des gouvernements et des infrastructures en Europe. Les thèses selon lesquelles ces familles exercent un contrôle mondialiste se multiplient avec comme objectif la manipulation des peuples par les puissants, une idée popularisée dans des récits alternatifs. Renforcée par le fait, selon Reuters, qu’en 2012, RIT Capital Partners, lié aux Rothschild, a acquis une participation de 37 % dans Rockefeller & Co : une entité de gestion de patrimoine fondée par John D. Rockefeller en 1882. Cette transaction, unissant deux noms emblématiques, où Rothschild apparait comme prenant le dessus sur Rockefeller, a alimenté des interrogations sur leur rôle parmi les « puissants » influençant le monde. De plus, on retrouve une présence ou une influence attribuée aux Rothschild ou aux Rockefeller dans diverses régions : les Rothschild via des banques en Europe (ex. : N.M. Rothschild & Sons à Londres), et les Rockefeller via la philanthropie et les affaires pétrolières (ex. : Standard Oil, ancêtre d’ExxonMobil) en Amérique, au Moyen-Orient, et ailleurs, y compris dans l’Empire Russe.

Influences
Les puissants se retrouvent dans tous les systèmes financiers

Néanmoins, pour les historiens, ces allégations de domination mondiale manquent de base factuelle solide, malgré l’avènement du World Economic Forum et de tous les signaux convergeant vers une gouvernance mondiale unifiée et homogène. En outre, même s’il est discuté de par les investissements en Allemagne nazie, le financement direct du nazisme par les Rothschild demande à avoir plus de preuves concrètes, surtout quand on considère que leurs biens ont été confisqués par les nazis en Allemagne et en Autriche. En l’absence de preuves tangibles, ces récits laissent place à des interprétations variées, souvent alimentées par des mythes comme les Protocoles des Sages de Sion : un document antisémite du début du 20e siècle, unanimement condamné par les historiens pour sa fabrication et sa propagande haineuse. La frontière entre réalité historique (le rôle des banques dans l’économie) et mythes reste un défi, qui exige prudence et vérification.

Extrémismes et terreur : une condamnation universelle

Les extrémismes ont jalonné l’histoire de ce conflit. Côté israélien, des groupes comme l’Irgoun et le Lehi, actifs avant 1948, ont commis des attentats contre des Arabes et des Britanniques (ex. : attentat de l’hôtel King David, 1946, 91 morts). Aujourd’hui, certains colons extrémistes en Cisjordanie attaquent des Palestiniens ou leurs biens, des actes condamnés par l’ONU et parfois par Israël lui-même. L’expansion des colonies, jugée illégale par la Résolution 2334 de l’ONU (2016), exacerbe les tensions. Côté palestinien, des groupes comme le Hamas, fondé en 1987, mènent des attaques terroristes — roquettes, attentats-suicides — ciblant des civils israéliens, ce qui lui vaut d’être classé comme organisation terroriste par les États-Unis, l’UE, et d’autres. La charte initiale du Hamas (1988) appelait à la destruction d’Israël, bien que des positions plus nuancées aient émergé depuis.

La terreur, qu’elle vienne d’acteurs étatiques, de milices, ou de factions extrémistes, viole les droits humains et tue des innocents. Les civils — Juifs, Palestiniens, ou autres — en sont les premières victimes. Combattre le terrorisme et les extrémismes de tous bords est une priorité universelle. Ce combat nécessite des efforts conjoints : justice, dialogue et respect du droit international.

Débats et perspectives

La création de l’État d’Israël divise encore. Certains Juifs orthodoxes, comme les Neturei Karta, rejettent le sionisme. Ils estiment que seul le Messie peut restaurer un État juif, selon des interprétations de la Torah. D’autres Juifs voient en Israël un refuge légitime post-Shoah. Les Palestiniens, quant à eux, dénoncent une colonisation et une perte de leurs terres ancestrales. Les solutions — deux États, un État binational — restent bloquées par des désaccords sur les frontières, Jérusalem, les réfugiés, et la sécurité. Les négociations, comme les accords d’Oslo (1993-1995), ont apporté des espoirs, avec la création de l’Autorité palestinienne, mais les échecs (Camp David, 2000) et les violences récurrentes (première Intifada, 1987-1993 ; deuxième Intifada, 2000-2005 ; guerres de Gaza, 2008, 2014, 2021) entravent le progrès. Les ONG, comme Amnesty International, soulignent les violations des droits des deux côtés, appelant à des solutions équitables.

L’histoire de la création d’Israël et ses répercussions sur la Palestine forment un récit complexe, mêlant tragédies, aspirations, et défis humains. La Déclaration universelle des droits de l’homme nous rappelle notre devoir : protéger la vie, la liberté, et la dignité de tous, sans partialité. Comprendre ces enjeux exige des faits, consultables dans des ouvrages d’historiens (Benny Morris, Ilan Pappé, Avi Shlaim), des archives de l’ONU, ou des rapports d’ONG, comme Human Rights Watch.

Comme citoyens, luttons contre la terreur, les extrémismes, et les injustices, démêlons mythes et réalité, et œuvrons pour un dialogue respectueux, propice à une paix durable. En temoignent les larmes de l'ambassadeur Palestinien qui parlait à l'ONU des enfants morts à Gaza.

Pour ce faire, il faut avant tout que les politiques qui nous gouvernent arrêtent de manier le mensonge comme argument d’autorité. Les politiques avec leurs mensonges sont les plus gros pourvoyeurs de récits alternatifs qui sont amplifiés par les médias. 

Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple est une nécessité, autant qu’il est de notre devoir de combattre tout génocide en vertu des droits fondamentaux.

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