Surpêche et pillage des ressources dans les eaux territoriales d’Afrique : la flotte chinoise en cause


En septembre 2024 paraissait une étude du think tank marocain Policy Center for the New South — rattaché à l’Université Mohammed VI Polytechnique de Rabat — sur l’épuisement des ressources halieutiques dans les eaux territoriales d’Afrique.
Cette étude édifiante, qui s’ajoute à de nombreux rapports d’organisations — dont ceux de Greenpeace, Sea Shepherd, Environmental Justice Foundation et The Hoover Institution —, met en évidence la menace que fait peser la flotte chinoise sur les écosystèmes et la disponibilité des ressources pour les populations locales.
En plus de perturber l’équilibre socio-économique des pays africains en concurrençant de façon déloyale la pêche artisanale près des côtes, entraînant l’insécurité alimentaire et une perte de revenus pour de nombreux habitants, la pêche industrielle chinoise est régulièrement dénoncée pour ses abus quant à la non-déclaration des prises et au manque de traçabilité de ses chaînes d’approvisionnement.
De Gibraltar au Cap, les chalutiers chinois et leurs doubles filets dérivants emploient impunément une technique de pêche qui, d’après les observations, « détruit l’habitat, endommage les fonds marins, perturbe le cycle des nutriments et réduit la productivité, la taille et la biodiversité des espèces ». De plus, cette technique contribue à l’acidification des océans en provoquant la libération du carbone stocké dans les sédiments.
Ainsi, on estime que la pêche illégale, pratiquée en grande majorité par des navires chinois — et, dans une moindre mesure, coréens, russes et européens —, entraîne un manque à gagner de 11,5 milliards de dollars par an pour les pays africains, amenuise considérablement les stocks de poissons et menace les moyens de subsistance d’environ 5,2 millions de personnes travaillant dans les petites pêcheries et sur les marchés locaux.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, un poisson sur cinq est, dans le monde, issu de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (dite pêche INN) — pratiquée en violation des lois nationales et des obligations internationales —, véritable fléau pour la biodiversité marine, affectant massivement les populations riveraines et leurs pratiques artisanales et traditionnelles.
Ratifiée en 1982, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, qui réglemente l’utilisation des espaces maritimes de la planète, stipule que « l’État côtier, compte tenu des données scientifiques les plus fiables dont il dispose, prend des mesures appropriées de conservation et de gestion pour éviter que le maintien des ressources biologiques de sa zone économique exclusive ne soit compromis par une surexploitation » (art. 61).
Par ailleurs, « lorsqu'il accorde à d'autres États l'accès à sa zone économique exclusive, l'État côtier tient compte de tous les facteurs pertinents, entre autres, l'importance que les ressources biologiques de la zone présentent pour son économie et ses autres intérêts nationaux, les besoins des États en développement de la région ou de la sous-région pour ce qui est de l'exploitation d'une partie du reliquat, et la nécessité de réduire à un minimum les perturbations économiques dans les États dont les ressortissants pratiquent habituellement la pêche dans la zone ou qui ont beaucoup contribué à la recherche et à l'inventaire des stocks » (art. 62).
Le 19 juin 2023 était adopté à New York l’Accord se rapportant à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Celui-ci précise : « Les avantages découlant des activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et des informations de séquençage numérique sont partagés de manière juste et équitable et contribuent à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique marine » (art. 14).
Outre les activités et techniques de pêche illégales (dont le shark finning, qui consiste à rejeter à la mer des requins mutilés après en avoir coupé les ailerons, servant à la préparation de soupes traditionnelles asiatiques), certaines organisations dénoncent des violations récurrentes des droits humains à bord des chalutiers appartenant aux entreprises chinoises — pour la plupart publiques —, vis-à-vis des membres d’équipage : exploitation, violences physiques et verbales, mise en danger et négligence sanitaire.
Comme le signale l’Environmental Justice Foundation, les gouvernements africains se retrouvent bien souvent complices des activités de surpêche et du pillage des ressources, dans la mesure où ceux-ci ont favorisé les sociétés mixtes ces dernières années, permettant un système de corruption par lequel les propriétaires des navires servent de prête-noms aux opérateurs étrangers — la grande majorité d’entre eux étant liée à des entreprises d’État chinoises — dont les chalutiers battent pavillon d’un État côtier africain.
Au Maroc, les accords de pêche avec l’Union européenne encadrent les activités des bateaux étrangers dans les eaux territoriales du royaume et permettent d’éviter le développement de telles pratiques. Avec plus de 3 000 navires et d’importantes infrastructures portuaires, le Maroc se place au premier rang des producteurs africains, la pêche maritime y générant une production annuelle d’un million de tonnes. Le royaume est par ailleurs le premier pays exportateur au monde de sardines en conserve, avec plus de 150 000 tonnes expédiées en 2022, le secteur y assurant près de 700 000 emplois.
Au vu des dérives de la pêche industrielle chinoise près des côtes et au large, il apparaît essentiel, en plus de généraliser les missions d’observation et de renforcer le rôle du Tribunal international du droit de la mer, de garantir une politique souveraine et durable de la pêche pour les pays africains. Car, comme trop souvent, ce sont les populations les premières à faire les frais de la technocratie mondialisée, de la corruption des gouvernants et des lois du profit sans scrupule.
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