Guerre et commerce des armes : quand la mort des uns fait la fortune des autres


Entre 2020 et 2024, les États-Unis, premier pays exportateur d’armes au monde, représentaient 43 % du marché, très loin devant la France (9,6 %), la Russie (7,8 %), la Chine (5,9 %) et l’Allemagne (5,6 %), d’après l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). En 2024, les ventes d’équipements militaires américains à l’étranger atteignaient un record de 318,7 milliards de dollars.
Les États-Unis, qui ont gagné 21 % de part de marché par rapport à la période 2015-2019, exportent en majorité vers l’Asie-Pacifique (37 %), l’Europe (35 %) et l’Arabie saoudite (12 %). Tandis que la France, qui a pour principaux clients l’Inde (28 %), le Qatar (9,7 %), la Grèce et la Croatie, a augmenté ses exportations d’armes en Europe de 187 % par rapport à la précédente période.
L’Ukraine est ainsi devenue le premier importateur d’armes au monde — son principal fournisseur étant les États-Unis, à 45 % —, devant l’Inde, le Qatar et l’Arabie saoudite. Et, toujours d’après le SIPRI, 69 % des armes importées par Israël entre 2013 et 2022 provenaient des États-Unis — aucun inventaire n’ayant été communiqué depuis le début des offensives de Tsahal en octobre 2023.
Lancé en 2010 à l’université Brown de Providence aux États-Unis, le projet de recherche Costs of War se donne pour mission de documenter et d’évaluer les coûts humains, sociaux, financiers et environnementaux des guerres menées au Moyen-Orient depuis les attentats du 11 septembre 2001, liées aux politiques antiterroristes et opérations militaires américaines.
Réunissant des économistes, anthropologues, avocats, humanitaires et politologues, le programme Costs of War s’efforce, en un travail interdisciplinaire non partisan, de fournir des données précises et indépendantes en vue de sensibiliser les médias, les acteurs politiques et les législateurs aux dégâts colossaux, massivement criminels, de la tradition impérialiste américaine sous les administrations Bush, Obama et Biden.
Ainsi, on estime que les guerres déclenchées par les États-Unis en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, en Syrie, en Libye et au Yémen depuis 2001, ont tué directement 905 000 à 940 000 personnes, et indirectement 3 600 000 à 3 800 000 (décès liés entre autres à l’extrême précarité, à la famine, la malnutrition, aux maladies et épidémies engendrées), en plus d’en avoir déplacé 38 millions. Ce qui porte le total à au moins 4,5 millions de morts, dont une large majorité de civils innocents. Sans parler du bilan social et culturel, des destructions aveugles de sites naturels, historiques et industriels…
Alors que le nombre de Palestiniens tués par l’armée israélienne depuis octobre 2023 s’élève officiellement (selon les données du ministère de la Santé du Hamas), à ce jour, à plus de 53 000, une étude de la revue médicale britannique The Lancet, publiée en janvier dernier, estime que celui-ci est sous-estimé de 41 %. Le nombre réel de morts — la grande majorité étant des civils — serait donc aujourd’hui, d’après ce nouveau calcul, de plus de 74 000. Une estimation qui comprend les corps sous les décombres et les décès indirects et non identifiés (majoritairement liés aux blessures et maladies non traitées à temps), jugée cohérente par plusieurs organisations humanitaires actives sur le territoire palestinien — dont l’ONG française Médecins du Monde.
Enfin comment expliquer, en 2025, que l’on puisse encore permettre la guerre ? Comment expliquer qu’aucune instance de droit international ne soit en mesure de stopper les massacres ? Qu’a-t-on fait de nos idéaux solidaires de paix ? Qu’a-t-on fait de nos efforts universels — politiques, institutionnels, éducatifs et philosophiques — de paix ? Qui veut réellement la guerre ? Silent enim leges inter arma (« Les lois se taisent quand parlent les armes ») : la formule de Cicéron, deux millénaires plus tard, semble toujours parfaitement d’actualité…
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